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Petit topo sur les listes de rezo.net

jeudi 8 avril 2010, par Fil

Invité à témoigner comme « acteur » dans une journée d’études à la BNF portant sur « l’archivage du web politique et militant » (http://calenda.revues.org/nouvelle1...), j’ai commencé par prendre quelques notes me permettant de présenter le système de mailing-listes de rezo.net. Les voici, à peine rédigées & publiées à l’arrache.

L’histoire des mailing-listes de rezo (http://listes.rezo.net/) remonte aux grèves de nov-déc 1995, où l’expérience de la liste Conflits-L, créée et gérée par samizdat (www.samizdat.net), démontre les qualités des mailing-listes en matière d’information militante et indépendante.

Lorsque, fin juillet 1996, les sans-papiers se mobilisent autour de Saint-Bernard, Marc Chemillier m’approche pour que je l’aide à créer un site pour le mouvement. Ce sera bok.net/pajol (aujourd’hui archivé en version « statique »), et on créera de suite une mailing-liste associée, zpajol (le "z" permettant d’inscrire cette liste tout en bas du fichier de configuration du système de messagerie).

La liste zpajol a connu plusieurs hébergeurs avant de se stabiliser sur rezo ; en 1999, on la passe (sur le serveur ada) sous le logiciel Mailman. Cette expérience me convainc d’installer Mailman sur mon serveur, ce qui aboutit à la naissance de listes.rezo.net.

Ce serveur trouvera rapidement une autre utilité, avec la mise au point de SPIP, et sa publication officielle en juillet 2001. Les développeurs et utilisateurs se coordonnent et s’informent via une mailing-list spip@rezo.net, qui essaimera (pour les communautés d’utilisateurs dans différentes langues, spip-dev pour les développeurs, et plus tard spip-zone pour les développeurs de squelettes et de plugins).

En dépit des difficultés techniques inhérentes à la gestion de forts volumes d’email (spam etc), le serveur fonctionne de façon relativement fiable, toujours juste en-deça de la limite à laquelle il craquerait. Il attire donc des gens qui ont expérimenté des ML ailleurs, ou qui connaissent celles des sans-papiers ou celle de SPIP. La tonalité (technico- ou militante) reste donnée, même si certains collectifs plus littéraires ou autres se forment.

La procédure de création d’une liste reste toujours centralisée. Cela passe par une demande indiquant la nature du projet, le nom souhaité pour la liste, ainsi que les coordonnées d’un responsable à contacter en cas de pépin. Et c’est validé — ou pas — par un collectif réuni sur la liste listes@rezo.net ; en pratique toutefois ce collectif est un peu atone.

Si le nombre de messages échangés mensuellement sur la liste zpajol est relativement stable sur les 10 ans de son histoire (env. 250), le nombre total de mails traités par le serveur explose avec l’augmentation du nombre de listes.

JPEG - 50.5 ko

Quelques stats :

- rezo héberge 505 listes, dont seulement 139 sont publiques ; c’est la partie émergée de l’iceberg

- zpajol : 1000 abonnés
- utilisateurs de spip : 1600 abonnés
- toutes les listes spip : 5600 abonnés
- le RESF utilise de plus en plus rezo, a 37 000 adresses emails dans sa base
- nos archives contiennent 887 270 messages dans 10440 mailboxes, en provenance de 113 239 émetteurs différents ; pour un total sur le disque dur de 34 Go.

Les usages sont mutiples y compris au sein d’un même collectif ; exemple type, pour une association :
- presse ;
- membres ;
- bureau ;
- signataires des pétitions.

Exemple type pour un collectif technique :
- listes ouvertes dans chaque langue
- thématiques variées utilisateur / développeur / traducteur du logiciel
- liste locale (groupe de montpellier, groupe de belgique etc)

Les problématiques sont nombreuses et de différents ordres :

— technique (gestion des volumes d’abonnés, de flux de messages, et de stock d’archives) ;
— juridique (responsabilité, requêtes de police)
— éthique (gestion de données personnelles, spam, règles de nétiquette)
— historique : il faut mettre en balance, d’une part, le « droit à l’oubli » — d’un contributeur qui se serait un peu trop emporté, et dont le message sortirait dans les premières pages de google lors d’une recherche sur son nom — et, d’autre part, la constitution d’un corpus intéressant les chercheurs, sociologues et historiens du temps présent, sur la formation d’un mouvement politique ou d’un collectif technique

Du côté technique, un gros chantier, mené par Nahuel, a récemment abouti à un nouveau logiciel de mise en ligne d’archives d mailing-listes, nommé arbrows.

Sur le dernier point (historique vs. privacy), notre politique est celle de l’anonymisation des contributions (respectueuse des personnes qui en font la demande), de préférence à leur suppression (qui tuerait la valeur de référence des archives).

Il est à noter que chaque responsable de liste doit régler de manière délibérée 1) le fait que la liste est archivée (par défaut, elle ne l’est pas), et 2) le fait que ses archives sont publiques (et donc indexées par Google).

* * *

Le rôle d’hébergeur militant de listes.rezo.net consiste donc à mettre en place une plate-forme facilitant les échanges et les discussions politiques et technologiques.

Le point le plus inquiétant, à mon sens, est la centralisation excessive que cet outil induit. Internet est censé permettre d’échanger sans hébergeur centralisant les discussions, et je crois que notre tâche devrait être d’évoluer vers des outils décentralisés, aussi peu nominatifs que possible. La centralisation a une valeur d’efficacité immédiate, qui se paie sur le plan tactique par 1) le pouvoir donné au serveur 2) la constitution d’un « point névralgique » en cas de pannes, de hacking, ou de saisie judiciaire.

Une autre réflexion importante porte sur la relation à l’outil : la manière dont la technique (dans ce cas, la façon dont Mailman est codé) impose des « normes » de fonctionnement d’un collectif.

2 Messages de forum

  • Petit topo sur les listes de rezo.net Le 9 avril 2010 à 09:35 , par Beurt

    J’apprécie tout particulièrement la dernière partie de ton billet. Alors que l’expression « Minitel 2.0 » se répand de plus en plus, la préoccupation d’un internet plus distribué et donc moins fragile devient vraiment centrale (si l’on peut dire, vu qu’il s’agit justement de décentraliser !).

    Les solutions de P2P s’étendent de plus en plus à d’autres domaines que l’échange de fichiers (discussions instantanées, moteurs de recherche, etc., et même d’une certaine façon avec Laconica du microblogging)

  • Petit topo sur les listes de rezo.net Le 22 septembre 2011 à 13:55 , par Stéphane Deschamps

    Je te lis avec une tonne de retard (en disant encore une fois merci pour Accesstech) :)

    Sur le problème de centralisation malheureusement je ne vois pas comment pouvoir gérer autrement qu’en mettant un serveur de mailiing-list quelque part, puisque par définition on écrit à une adresse qui se charge de redistribuer.

    Ton souci est plutôt philosophique sur le fait que seul rezo.net dans le monde francophone remplisse ce rôle si je comprends bien ?