ZZZ http://zzz.rezo.net/ une sorte de fatras... fr SPIP - www.spip.net <span class="caps">ZZZ</span> http://zzz.rezo.net/local/cache-vignettes/L144xH93/siteon0-21452.png http://zzz.rezo.net/ 93 144 Du logiciel au médicament, le besoin de biens publics http://zzz.rezo.net/Du-logiciel-au-medicament-le.html http://zzz.rezo.net/Du-logiciel-au-medicament-le.html 2004-05-31T22:00:00Z text/html fr Philippe Rivière Sida Santé Brevets Biens publics Logiciels libres <p>Discussions sur le régime international des brevets ou du copyright, [...] négociations commerciales bilatérales et multilatérales : il existe, depuis les années 1980, un grand mouvement d'accentuation de la mondialisation de la propriété intellectuelle, au bénéfice quasi exclusif des firmes multinationales les mieux implantées dans ce système. [...] Les militants d'une politique de santé publique à l'échelle mondiale (2) ne peuvent que s'intéresser à ce qui, dans le domaine informatique, indique qu'une (...)</p> - <a href="http://zzz.rezo.net/-Textes-.html" rel="directory">Textes</a> / <a href="http://zzz.rezo.net/+-Sida-+.html" rel="tag">Sida</a>, <a href="http://zzz.rezo.net/+-Sante-+.html" rel="tag">Santé</a>, <a href="http://zzz.rezo.net/+-Brevets-+.html" rel="tag">Brevets</a>, <a href="http://zzz.rezo.net/+-Biens-publics-+.html" rel="tag">Biens publics</a>, <a href="http://zzz.rezo.net/+-Logiciels-libres-+.html" rel="tag">Logiciels libres</a> <div class='rss_texte'><p>Discussions sur le régime international des brevets ou du copyright, [...] négociations commerciales bilatérales et multilatérales : il existe, depuis les années 1980, un grand mouvement d'accentuation de la mondialisation de la propriété intellectuelle, au bénéfice quasi exclusif des firmes multinationales les mieux implantées dans ce système. [...]</p> <p>Les militants d'une politique de santé publique à l'échelle mondiale (2) ne peuvent que s'intéresser à ce qui, dans le domaine informatique, indique qu'une autre approche de l'innovation est possible. Le grand succès des logiciels libres, symbolisés par le système d'exploitation <span class="caps">GNU</span>/Linux, découle en effet d'une organisation très particulière de la coopération de tous les acteurs : concepteurs de programmes, utilisateurs, bailleurs de fonds, clients, etc. Classiquement, la clé de voûte de l'économie des logiciels “propriétaires” est l'identification des “ayants droit” (les “concepteurs”, ou - plus probablement - la firme détentrice des droits de propriété) et l'application de ces droits. Les utilisateurs sont ici exclusivement perçus comme des consommateurs passifs, qui doivent choisir le produit correspondant le mieux à leurs besoins. [...]</p> <p>Aux antipodes de cette conception marchande et policière, l'économie du savoir dont procèdent les logiciels libres ne repose pas sur la “ propriété ” des producteurs, mais sur les droits et les libertés accordés aux utilisateurs. Pour Richard Stallman, l'informaticien qui a conçu la licence publique générale (<span class="caps">GPL</span>), ces droits se ramènent à la devise “Liberté Égalité Fraternité”. Liberté... <i>“de donner des copies </i>[des programmes] <i>aux copains (et aux autres), de changer le logiciel pour l'adapter à ses besoins et de publier des versions améliorées”. </i>Fraternité, car <i>“nous encourageons à coopérer”. </i>Égalité, car <i>“chacun possède les mêmes libertés, il n'y a pas de patron tout-puissant”. </i>[...] Cette affirmation éthique<i> </i>a donné vie à une activité intellectuelle et économique bien réelle, difficile à quantifier car l'échange y est souvent gratuit, mais atteignant des “ parts de marché ” comparables à celles des produits-phares des plus gros éditeurs privés. Ainsi, d'après les analyses de Netcraft, le logiciel libre Apache peut revendiquer, depuis mars 1996, la première place en matière de serveurs Web (67 % en mars 2004), une place qu'il consolide chaque année. Le numéro 2, Microsoft, équipe trois fois moins de ces serveurs (21 %).</p> <p>C'est une des leçons du logiciel libre : les utilisateurs n'y viennent pas parce que c'est plus juste, mais surtout parce qu'il répond mieux à leurs attentes et à leurs besoins. Pour un programmeur, développer du “ libre ”, c'est obtenir le droit de manipuler des programmes existants pour les améliorer à sa guise, d'assembler des morceaux de programmes existants pour en faire un troisième, etc. [...]</p> <p>Le “paradigme” de l'<i>open source</i> ressort moins d'une idéologie (même si certains parlent de <i>“communisme”</i>,<i> </i>tandis que d'autres y voient le <i>“vrai libéralisme”</i>…) que d'une utopie en marche. Utopie proche des valeurs traditionnelles de la recherche scientifique : la publication des résultats et des sources y est permanente, la discussion ouverte et débarrassée de contraintes de secret, la reconnaissance par les pairs se fait sur la base du mérite et de la compétence, au sein d'une “communauté” mondiale d'individus coopérant librement en fonction de leurs affinités. [...]</p> <p>L'épisode du Sras est venu confirmer la force de la résolution ouverte des problèmes de santé publique : la découverte et l'analyse des propriétés du coronavirus responsable de cette brusque épidémie respiratoire n'ont nécessité qu'un mois de mobilisation des scientifiques du monde entier, pendant que les industriels regardaient faire, les bras croisés. [...]</p> <p>Lorsque l'on parle d'<span class="caps">ADN</span> ou du fonctionnement cellulaire, le simple fait d'octroyer des droits de “propriété” sur une partie (un gène ou une protéine) risque bien de bloquer l'ensemble de la recherche, comme l'ont appris à leurs dépens les cancérologues qui ont mis en évidence le rôle, dans un certain type de cancer du sein, d'une anomalie sur le gène <span class="caps">BRCA1</span>. Mais ils s'aperçurent alors que le gène était “breveté” par la firme Myriad Genetics, qui l'avait séquencé sans en connaître la fonction, et réclamait des royalties sur les kits de détection de cette anomalie ! Les protestations publiques ont conduit l'Office européen des brevets à révoquer, le 18 mai 2004, le brevet européen de Myriad sur ce gène. Mais, pour un gène sauvé par une mobilisation d'instituts de recherche, d'associations de malades, etc., combien de technologies vitales sont-elles ainsi accaparées, contre le bien public, par des “détenteurs de propriété intellectuelle” ? [...]</p> <p>Comment encourager la production de biens publics pharmaceutiques à l'échelle mondiale ? Deux personnalités - le biologiste anglais Tim Hubbard et l'économiste américain James Love - viennent de lancer l'idée d'un traité international, dont l'objectif serait de donner des chances égales aux deux modes de financement de l'innovation pharmaceutique : la protection par brevet des recherches privées, d'une part, et la constitution de biens publics mondiaux, d'autre part.</p> <p>Pour cela, les deux auteurs proposent (3) de prendre au sérieux l'argument […] qui veut que, sans la force d'un traité international, les pays ne sont pas incités à participer à la recherche, étant donné qu'il est moins cher d'attendre que les autres pays aient fait ces investissements […]. Or, remarquent-ils, dans tous les pays, les achats de médicaments représentent environ 1 % du produit intérieur brut (<span class="caps">PIB</span>), dont un dixième est affecté aux coûts de licence. […] En contraignant chaque pays à affecter cette somme à la recherche, mais <i>selon des priorités et des modalités décidées localement</i>, on maintiendrait un niveau d'investissement équivalent à l'actuel, voire supérieur, tout en redonnant ses lettres de noblesses à un secteur industriel censé œuvrer pour la santé de tous.</p> <p><b>Philippe Rivière</b></p> <p>(1) Extraits du livre collectif sur <i><b>La santé, bien public à l'échelle mondiale</b></i>, coordonné par l'association <span class="caps">BPEM</span>, à paraître en automne 2004 aux éditions Charles-Léopold Mayer.</p> <p>(2) Lire « La santé pour tous, ou pour personne... », <i>Hémisphères,</i> n° 22.</p> <p>(3) Tim Hubbard, James Love<i>, “ </i><i>A New Trade Framework for Global Healthcare R&D </i><i>”, </i>PLoS-Biology, vol.2, n° 2, février 2004.</p></div> Apartheid sanitaire - Rencontre avec Zackie Achmat http://zzz.rezo.net/Apartheid-sanitaire-Rencontre-avec.html http://zzz.rezo.net/Apartheid-sanitaire-Rencontre-avec.html 2002-03-31T22:00:00Z text/html fr Philippe Rivière Sida Santé Brevets <p>Zackie Achmat est sud-africain. Il préside la Treatment Action Campaign. La naissance de TAC, en 1998, a complètement changé la donne de la lutte contre le sida en Afrique. Pour la première fois, une association de malades s'affrontait directement aux laboratoires... mais aussi au gouvernement issu de l'ANC, où les membres de TAC ont milité. Zackie Achmat, le 14 décembre 2001, est devenu un héros : son organisation Treatment Action Campaign (TAC) a remporté le procès intenté au gouvernement (...)</p> - <a href="http://zzz.rezo.net/-Textes-.html" rel="directory">Textes</a> / <a href="http://zzz.rezo.net/+-Sida-+.html" rel="tag">Sida</a>, <a href="http://zzz.rezo.net/+-Sante-+.html" rel="tag">Santé</a>, <a href="http://zzz.rezo.net/+-Brevets-+.html" rel="tag">Brevets</a> <img class='spip_logos' alt="" align="right" src='http://zzz.rezo.net/local/cache-vignettes/L100xH75/arton2-2d618.jpg' width='100' height='75' style='height:75px;width:100px;' /> <div class='rss_chapo'><p>Zackie Achmat est sud-africain. Il préside la Treatment Action Campaign. La naissance de <span class="caps">TAC</span>, en 1998, a complètement changé la donne de la lutte contre le sida en Afrique. Pour la première fois, une association de malades s'affrontait directement aux laboratoires... mais aussi au gouvernement issu de l'<span class="caps">ANC</span>, où les membres de <span class="caps">TAC</span> ont milité.</p></div> <div class='rss_texte'><p>Zackie Achmat, le 14 décembre 2001, est devenu un héros : son organisation <i>Treatment Action Campaign</i> (<span class="caps">TAC</span>) a remporté le procès intenté au gouvernement sud-africain - la Cour suprême de Pretoria contraignant l'administration à fournir à toutes les femmes enceintes et séropositives d'Afrique du Sud un traitement à la Névirapine afin de limiter la contamination des nouveau-nés.</p> <p>Deux jours avant l'ouverture de ce procès, Zackie avait fait un rapide aller-retour à Paris pour présenter le film qui retrace son combat sous la forme d'un portrait vivant et très personnel intitulé <i>Ma Vie en plus</i> (réal. Brian Tiley, 2001). Nous l'avons rencontré juste avant la projection.</p> <p>Sur les 40 millions de personnes dans le monde infectées par le virus de l'immunodéficience humaine (<span class="caps">VIH</span>), 28,1 millions, on le sait, se trouvent sur le continent noir. Les médicaments, eux, n'y sont toujours pas distribués. L'Afrique subsaharienne compte 3,4 millions de nouveaux cas chaque année. Sans médicaments, pas de perspectives. Sans perspectives, les « morts vi-vants » - selon l'expression de Didier Lestrade - préfèrent se cacher ; rares sont ceux qui voient l'intérêt de se faire dépister. Et l'épidémie galope... L'absence de traitements, considère Zackie Achmat, relève d'un « génocide contre les Noirs et les pauvres ».</p> <p>Paradoxe tragique, après l'humiliation des laboratoires pharmaceutiques lors du procès de Pretoria, le 19 avril 2001 (la <span class="caps">TAC</span> avait contribué à faire basculer cet affrontement en proposant son expertise en tant qu'« amie de la Cour », aux côtés du gouvernement), c'est alors le gouvernement sud-africain qui interdit à sa population (30 % de séropositifs parmi les adultes) de se soigner. Arrivé au pouvoir après des années de lutte contre le régime raciste de l'apartheid, successeur de Nelson Mandela, Thabo Mbeki préside aujourd'hui aux destinées d'un pays qui connaît la plus grande catastrophe sanitaire de tous les temps.</p> <p>Même fatigué, Zackie sourit doucement derrière ses petites lunettes ovales. À 38 ans, en sida déclaré et régulièrement aux prises avec des maladies opportunistes, il refuse de se procurer à l'étranger les traitements antirétroviraux qui le soulageraient et lui permettraient de survivre plusieurs années, tant que les hôpitaux publics de son pays n'en disposent pas. Car « trop de leaders des mouvements de malades ont ainsi été « récupérés » : on achetait leur silence contre des traitements. Si j'obtiens des médicaments, alors que le peuple en est toujours privé, je ne pourrai plus être le moteur » de ce mouvement.</p> <p>« Je me définirais d'abord, commence Zackie, comme un socialiste. Un « socialiste du sida », précisément. Ma propre démarche, ma compréhension des choses viennent à l'origine du politique : en 1976, j'ai 14 ans, et ce sont les grands soulèvements étudiants contre l'apartheid. » Avec deux de ses copains, horrifiés d'avoir vu l'armée tirer sur des gamins lors des émeutes de Soweto contre l'apartheid scolaire, il met le feu à son école. Interpelé et passé à tabac par la police, il connaîtra la prison à cinq reprises avant l'âge de 18 ans.</p> <p>« Si je n'étais pas séropositif, je ne serais pas en train de mener une autre lutte. L'accès aux traitements, bien sûr, n'est qu'une facette des combats liés au sida. Il y a aussi les questions des droits des homosexuels, du statut des migrants, etc. Autant de confrontations où se révèlent les structures de pouvoir. » Zackie pense avoir été infecté dans les années 1980, et découvre son statut sérologique en 1990. « Comme Thabo Mbeki, j'ai longtemps cru que le sida, qui s'en prend aux Noirs, aux gays, aux travailleuses du sexe et aux migrants, était un simple rêve d'extrême-droite... Et c'est probablement pour cela que j'ai été infecté. Mais j'ai appris que c'est une réalité. Et j'ai compris que non seulement l'infection est causée et encouragée par les inégalités, mais qu'en plus elle est un facteur d'accroissement des discriminations. »</p> <p>Dans les années 1980, Zackie continue à militer. Il fonde une branche jeunesse de l'<i>African National Congress</i> (<span class="caps">ANC</span>), part à Londres, devient cinéaste.</p> <p>« Puis, en 1997, sont arrivées les lois sur les migrants. Des lois extrêmement répressives. J'ai compris alors que toute la richesse de l'Afrique du Sud était construite à partir du sang et de la sueur des travailleurs venus de Namibie, du Botswana, du Zimbabwe, du Mozambique, etc. Les endroits où l'on trouvait les taux les plus élevés de prévalence du <span class="caps">VIH</span> étaient les villes minières. Le sida était donc aussi une « maladie du travail ». » Dès lors, le combat pour les droits humains et la lutte contre le sida deviennent indissociables.</p> <p>Dans les années 1990, après la fin du régime de l'apartheid, « un espace légal s'était ouvert pour travailler sur les droits humains. La Constitution sud-africaine est la plus avancée au monde. Elle interdit, par exemple, toute discrimination basée sur l'orientation sexuelle. Contre le sida, nous travaillions alors sur ce qui était alors notre « meilleur pari », la prévention. Vers 1994, cet espace a commencé à se réduire. À partir de 1995, nos concitoyens ont commencé à mourir en grand nombre. En 1998, l'un des activistes avec qui je travaillais est décédé. Un journaliste américain m'envoya alors ce courrier électronique, très direct : « Je croyais qu'on ne mourait plus du sida ! » Au même moment notre gouvernement, qui avait commencé à procurer des antirétroviraux aux malades, fit marche arrière. Les prix sont trop élevés, argumentait-il. »</p> <p>Rapidement, en explorant la question du prix des traitements, Zackie Achmat et ses amis se rendent compte qu'il ne s'agit pas exclusivement d'une question de politique économique locale, mais qu'au plan global les <span class="caps">TRIPS</span> - les accords sur la propriété industrielle - font la loi.</p> <p>« En décembre 1998, dix d'entre nous ont fondé la <span class="caps">TAC</span>. » En à peine trois ans, cette organisation est devenue le plus important des mouvements populaires d'Afrique du Sud. L'urgence de la catastrophe n'explique pas tout : « D'une manière très consciente, nous avons pris modèle sur le mouvement anti-apartheid pour nous organiser. Nous sommes allés chercher des soutiens aussi bien chez les pêcheurs de la côte que parmi les scientifiques. Notre message était simple, et ramenait exactement au sentiment d'injustice lié à l'apartheid : 1) les gens meurent ; 2) les médicaments existent ; 3) l'État n'a pas d'argent pour en acheter car, d'une part, il doit rembourser la dette héritée du régime d'apartheid et, d'autre part, il consacre le reste de l'argent à des dépenses d'armement. »</p> <p>Face à ce nouvel apartheid, sanitaire, le mouvement anti-apartheid aurait dû se réinventer. Pourtant, l'<span class="caps">ANC</span> s'est mise en faillite sur la question du sida. « L'histoire de la <span class="caps">TAC</span> est courte. Mais tous ses membres ont une longue histoire au sein de l'<span class="caps">ANC</span>. C'est parce que l'<span class="caps">ANC</span>, une fois au pouvoir, a failli sur le terrain du sida que nous avons dû lancer la <span class="caps">TAC</span>. »</p> <p>Avant d'engager un bras de fer contre l'industrie pharmaceutique - un des pouvoirs les plus puissants du monde -, puis contre son propre gouvernement, la <span class="caps">TAC</span> a dû mener plusieurs batailles :</p> <p>« La première a été celle de la connaissance médicale (<i>scientific literacy</i>) : en décembre 1998, pas un seul journaliste d'Afrique du Sud ne savait épeler A-Z-T - ils nous demandaient même parfois s'il s'agissait du sigle d'un nouveau parti politique !</p> <p> » Ensuite, il a fallu comprendre l'économie politique de la santé en Afrique du Sud. Le pays reste divisé racialement, les inégalités sociales reproduisant fidèlement les anciennes inégalités raciales. En matière de santé, le secteur public accueille 84 % des malades, et le secteur privé 16 % ; les dépenses, elles, sont dans un ratio strictement inverse. Les compagnies pharmaceutiques jouent un rôle important dans notre pays : l'Afrique du Sud abrite des fabricants de génériques, mais aussi des filiales des multinationales. L'intérêt de ces dernières est de s'assurer que les prix locaux des médicaments restent au niveau du prix mondial. Elles trouvent ici un secteur très profitable : notre pays, qui correspond à 1 % de leur marché mondial, procure 2 % de leurs bénéfices ! Le nouveau gouvernement souhaitait rééquilibrer ce chiffre. Ces firmes ont utilisé tous les moyens pour y faire obstacle. »</p> <p>Si la déroute en rase campagne des multinationales pharmaceutiques, à Pretoria, n'a pas débouché sur un plan gouvernemental d'urgence sur le sida, c'est parce que celui-ci impliquait trois parties : « Big Pharma », venue défendre ses brevets contre toute loi permettant au gouvernement sud-africain de recourir à des génériques pour faire baisser les prix ; le gouvernement, dont le but est de faire réduire ses dépenses de santé en pesant sur les prix des médicaments déjà présents dans le système public de santé ; et les malades du sida, qui demandent que les antirétroviraux intègrent ce système public. Le premier obstacle levé, ces derniers se retrouvèrent face à face avec le Président Thabo Mbeki, et sa ministre de la Santé, Mme Manto Tshabalala-Msimang, qui tous deux refusent d'entendre parler de médicaments antisida.</p> <p>« Il faut comprendre que ce gouvernement est arrivé au pouvoir après des dizaines d'années de lutte pour la dignité et le droit à la vie du peuple. 70 millions de personnes sont passées dans les geôles de l'apartheid à cause des <i>pass laws</i>... L'<span class="caps">ANC</span> ne pouvait donc pas « se tromper ». À peine installé, il a décidé de donner des gages de responsabilité à l'étranger en adoptant, sans y avoir été contraint par la situation financière du pays, les politiques prônées par le Fonds monétaire international (<span class="caps">FMI</span>). Cela a conduit le pays à une vague de violences inouïes. Une dévaluation complète de la valeur de la vie des gens. L'<span class="caps">ANC</span>, qui avait toujours été « du bon côté », se retrouvait dans une posture objectivement génocidaire : un Holocauste contre les Noirs et les pauvres. Comment devions-nous affronter un parti auquel nous appartenions, au sein duquel nous avions été formés ? »</p> <p>Comment s'explique-t-il que le Président sud-africain persiste à refuser les traitements anti-sida pour son peuple ? « Mbeki est sujet à l'insomnie, et il surfe sur Internet. Une nuit il est tombé sur un des sites des « dissidents » qui affirment que l'<span class="caps">AZT</span> est un poison dont les effets sont pires que ceux du sida. Depuis, il est en proie à cette interrogation, comme on peut le voir dans son récent discours à l'université de Fort Hare : le sida est-il une invention raciste ? » (cf. p.27).</p> <p>« Bien entendu, souligne Zackie, Thabo Mbeki n'a jamais produit un argument solide en faveur de sa position. Aucune logique, aucune explication sensée ne peut être donnée. »</p> <p>La Constitution sud-africaine garantit aussi un droit aux soins de santé. C'est en s'appuyant sur elle que la <span class="caps">TAC</span> a mené son procès contre le gouvernement au sujet de la prévention, <i>via</i> la Névirapine, de la transmission mère-enfant. Zackie Achmat ne cache pas sa fierté : « Nous avons utilisé ces possibilités (juridiques), nous avons créé un mouvement et lui avons fourni, étape par étape, des objectifs. »</p> <p>Un de ses meilleurs souvenirs reste l'action menée contre le gouvernement qui interdisait l'importation de médicaments antiviraux génériques. Le Fluconazole (sous brevet de Pfizer) permet de combattre le muguet, cette maladie opportuniste au doux nom, mais dévastatrice (la bouche, la langue et tout le système digestif, jusqu'à l'estomac, se couvrent de boutons irritants). En Thaïlande, une copie générique se vend 1.78 rand, contre 150 rands (13,30€) ! « Puisque j'étais devenu une personnalité publique, je suis allé acheter ce générique en Thaïlande : ils n'allaient pas me mettre en prison ! »</p> <p>Avec cette campagne « de défi » (<i>defiance campaign</i> - la marque de la lutte anti-apartheid), « tout a changé : 700 personnes ont pu, immédiatement, bénéficier du Fluconazole générique. Au fond, puisque le secteur public est entravé par le pouvoir, nous sommes en train de mettre en place un système alternatif de distribution de médicaments. Qui s'avère très efficace ! »</p> <p>Le combat engagé contre la politique « négationniste » du Président Thabo Mbeki vient de monter d'un cran. « Dès janvier 2002, annoncait Zackie fin novembre, nous comptons, avec Médecins sans frontières, lancer un grand programme d'importation de génériques depuis le Brésil »... Le 29 janvier, en effet, on apprenait que la <span class="caps">TAC</span>, <span class="caps">MSF</span> et l'association Oxfam s'étaient rendus au Brésil, pays modèle de la lutte contre le sida. Zackie Achmat était du voyage. Au retour, les militants avaient dans leurs valises de quoi soigner 50 personnes. Bien peu en vérité, mais assez pour conforter les médecins qui malgré l'interdiction fournissent des médicaments à leurs patients. Assez pour motiver les provinces qui, comme le Kwazulu-Natal, s'opposent aux directives du pouvoir central. Assez pour faire grossir la vague de « mutinerie » qui, selon le mot de la ministre de la Santé Manto Tshabalala-Msimang, ébranle le pays.</p></div> <hr /> <div class='rss_notes'><div id='nb'> <p>Le site de <span class="caps"><span class="caps">TAC</span></span> : <a href='http://www.tac.org.za/' class='spip_url spip_out' rel='external'>www.tac.org.za</a></p> </div></div>